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Mercredi 14 novembre, s’est tenu à Paris une conférence parlementaire consacrée à l’e-santé, à l’initiative des députés Jean-Pierre Door et Martine Pinville, vice-président et secrétaire de la Commission des affaires sociales.
L’usage du numérique dans les systèmes de soin est encore limité ; il suscite des questions pratiques, éthiques, financières. Mais il ne se réduit pas au développement des systèmes d’information. Il implique aussi le renouvellement de l’acte de soin, à travers la télémédecine. En 2010 un décret a été publié, définissant les actes relevant de la télémédecine. Environ 500 médecins la pratiquent en France. Une solution d’avenir ?
Interview du docteur Pierre Simon, président de l’Association nationale de télémédecine (Antel) créée en 2007, et auteur du rapport sur la place de la télémédecine dans l’organisation des soins remis à Roselyne Bachelot en 2008.
Qu’est-ce qui vous a conduit, en tant que néphrologue hospitalier, à vous tourner vers la télémedecine il y a plus de dix ans ?
C’est le constat que mes patients dialysés étaient de plus en plus âgés, et que plusieurs fois par semaines, ils devaient faire parfois jusqu’à 450 kilomètres, en se levant aux aurores, pour être présent à la séance du matin, ce qui générait beaucoup de fatigues, un isolement social etc. J’ai voulu organiser leur traitement au plus proche de leur domicile, en m’assurant que, sur le plan médical, la qualité était aussi bonne. C’est là le sens de la télémédecine : elle n’a pas pour but d’utiliser les nouvelles technologies en tant que telles, mais de répondre à un besoin très identifié.
Concrètement, qu’est-ce qui se fait à distance ?
Pour construire un projet de télémédecine, il faut regarder ce qui se passe quand on est en contact avec le patient, et le transposer à distance. Ainsi pour la dialyse, il y a à la fois de la télésurveillance, une téléconsultation du néphrologue (qui repose sur la façon dont s’est déroulée la séance, et donc, sur la télétransmission des données), et enfin de la téléassistance, ce qui permet aux infirmières qui se trouvent auprès du patient de rester en contact avec les médecins du centre de surveillance et de recueillir leurs avis.
Pourquoi la télémédecine n’est-elle pas plus développée?
Aujourd’hui, le frein ne vient ni des patients — qui donnent leur consentement et qui ont l’assurance du respect de la confidentialité des données —, ni du juridique, puisqu’un médecin qui respecte les actes définis par le décret de 2010 est parfaitement couvert, mais des professionnels de santé eux-mêmes. Nous n’avons pas pris la mesure du fait qu’en quarante ans, nous avons allongé la durée de vie de quinze ans, si bien que 15 millions de personnes en France vivent avec des maladies chroniques, qui constituent aujourd’hui la principale demande de soins. Il nous faut passer d’une pratique fondée sur la relation individuelle entre le patient et le médecin, parfaitement adaptée à la prise en charge de la maladie aiguë, à une pratique collaborative, plus adaptée à la prise en charge d’une maladie chronique.
La télémédecine est-elle une façon de lutter contre les déserts médicaux ?
La moindre densité médicale épouse le fait que 80% de la population se trouve sur 20% du territoire. C’est irréversible. On sait que la qualité d’une prise en charge à proximité du domicile est aussi bonne qu’à distance. Il faut simplement avoir le courage de le faire. Le problème est que la médecine générale est devenue une médecine de consultation, sur le modèle de la médecine spécialisée, qui répond uniquement à des demandes de soin programmées. Or la maladie chronique entraîne des ressentis d’urgence, des sentiments de gravité immédiate; il faut donc organiser la réponse, et prévenir les complications par la surveillance. Comme nous le faisons déjà dans la télésurveillance médicale des patients en insuffisance cardiaque, par exemple.
Est-ce une médecine à distance faute de mieux?
Il ne s’agit pas de la substituer à la pratique de la consultation en face à face mais d’être complémentaires. Pour bien prendre en charge les malades chroniques, il faut faire plus que ce que nous faisons actuellement. Celles-ci occasionnent aujourd’hui l’hospitalisation de patients qui n’ont tout simplement pas trouvé de réponse à leur situation auprès des médecins de proximité. Avec un coût indû estimé entre 7 et14 milliards d’euros. Il ne faut donc pas envisager la télémédecine comme un palliatif, mais comme une nouvelle organisation qui va permettre que soit donné le juste soin au bon endroit, et si possible au meilleur coût.
Quel est le changement de modèle que vous appelez de vos voeux?
Les maladies chroniques sont des maladies dont on ne guérit pas, et qui s’aggravent au fil du temps : c’est pourquoi il est urgent de mettre du soin de qualité ailleurs qu’à l’hôpital, à savoir à domicile, dans les Ephad et maisons de retraite. C’est là que sont les besoins. Il faut redonner vie au système de soins de premiers recours, en adoptant un modèle adapté, dans lequel un ensemble de professionnels de santé (infirmières, pharmaciens) coopèrent entre eux et avec le médecin, pour une prise en charge globale des patients. Nous devons évoluer dans les coopérations — d’autant que le vieillissement comprend aussi des aspects sociaux, et qu’il faut par conséquent aussi inclure psychologues et assistantes sociales dans l’équipe. Et de l’autre côté, la télémédecine permettra au médecin de premier recours d’avoir un contact quasi permanent avec les spécialistes. C’est toute la dimension de la télé-expertise, qui doit également jouer à plein dans le système hospitalier, afin de rendre possible une bonne régulation du soin.
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